Des données multirégionales appuient le plus grand essai randomisé jamais mené par les soins primaires canadiens
Les médicaments contre la tension artérielle pris au coucher plutôt qu’au petit-déjeuner peuvent-ils réduire de manière significative le risque d’événements cardiovasculaires ? Après avoir pris connaissance d’une étude espagnole aux résultats prometteurs, le Dr Scott Garrison a voulu en savoir plus. « S’il était prouvé que l’heure de prise des médicaments avait un impact sur les résultats de santé, cela pourrait être extrêmement bénéfique car il s’agit d’un changement si petit et si peu coûteux ».
Le Dr Garrison, médecin de famille titulaire d’un doctorat en médecine expérimentale, s’est tourné vers le Guichet de Soutien à l’Accès aux Données (GSAD) du RRDS Canada pour lancer le plus grand essai randomisé pragmatique jamais réalisé dans le domaine des soins primaires au Canada. Le GSAD est un portail unique de services d’accès aux données pour les chercheurs qui ont besoin de données administratives sur la santé provenant de plus d’une province ou d’un territoire au Canada. L’étude multirégionale du Dr Garrison a utilisé des données provenant de cinq provinces pour déterminer si le moment de la prise de la tension artérielle avait un impact sur les résultats en matière de santé.
« L’idée directrice de notre travail est d’essayer d’incorporer des essais pragmatiques d’interventions relativement simples dans les soins quotidiens. Le choix du moment de la prise des médicaments est un bon point de départ, car il n’est pas difficile à mettre en œuvre pour les médecins ou les patients », explique le Dr Garrison, qui est également le fondateur du Pragmatic Trials Collaborative, un groupe de prestataires de soins primaires de tout le Canada qui mène de vastes essais pragmatiques à l’échelle de la communauté. Les essais pragmatiques sont un type de recherche clinique qui vise à évaluer l’efficacité d’interventions médicales spécifiques dans un contexte réel, en utilisant des données collectées régulièrement pour produire des résultats qui se traduisent par une amélioration des politiques et des pratiques en matière de soins de santé.
L’étude BedMed du Dr Garrison a recruté 3357 participants-e-s par l’intermédiaire de 436 prestataires de soins primaires basés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Les participants potentiels ont été identifiés à l’aide des dossiers médicaux électroniques des cliniques de soins primaires. L’équipe de recherche a ensuite fourni à chaque clinique des dossiers de recrutement et les participants consentants ont été répartis par randomisation centrale entre une prise de médicaments au coucher et une prise de médicaments le matin. Les participants ont également consenti à ce que les données administratives de santé soient consultées et analysées pour soutenir l’essai et déterminer les résultats tels que la mortalité, l’hospitalisation, les accidents vasculaires cérébraux, les fractures de la hanche ou l’admission en maison de retraite.
« L’hypertension pendant le sommeil est un risque plus important que l’hypertension pendant la journée. Il était donc justifié d’examiner l’impact que l’horaire de prise des médicaments pouvait avoir sur les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, ainsi que sur d’autres effets sur la santé tels que le risque de chute, les problèmes visuels dus au glaucome ou la démence vasculaire – tous liés à la tension artérielle », a déclaré le Dr Garrison. « Avec cet essai pragmatique, nous avons pu examiner les chutes et les fractures, les problèmes de cognition et de vision, en plus des événements cardiovasculaires, et conclure qu’il n’y avait pas de différence avec le moment de la prise du médicament ». Bien que l’étude n’ait finalement révélé aucune différence dans les résultats en fonction du moment de la prise des médicaments, le processus de réalisation de l’essai pragmatique « a répondu à une question importante sur le moment de la prise des médicaments, qui éclairera la manière dont les prestataires de soins primaires conseilleront leurs patients à l’avenir », selon le Dr Garrison.
Les responsables des données de cinq organisations membres du RRDS Canada ont joué un rôle clé dans la réussite de l’essai pragmatique, en particulier en ce qui concerne le processus de consentement, a déclaré le Dr Garrison, ajoutant que l’utilisation de données multirégionales provenant de cinq provinces canadiennes a permis d’augmenter le nombre de participants et de produire des résultats plus généralisables. L’accès aux données par le biais du service du GSAD du RRDS Canada a facilité une expérience rationalisée et coordonnée entre plusieurs centres de données.
Le Dr Garrison a présenté les résultats de l’étude BedMed lors du congrès 2024 de la Société européenne de cardiologie. « Il y avait environ un millier de cardiologues dans l’auditoire et j’ai pu voir qu’il s’agissait d’une étude importante à leurs yeux, car elles et ils s’interrogent sur la fiabilité des données antérieures dans ce domaine et se demandaient s’il fallait modifier le calendrier d’administration de ces médicaments. L’étude BedMed est actuellement en cours d’examen par le JAMA.
L’équipe de recherche prévoit d’utiliser les mêmes ensembles de données pour publier un article sur les différences de comportement en matière de santé entre les personnes qui se portent volontaires pour des essais randomisés et celles qui ne le font pas.« Parce que nous travaillons avec des données administratives, nous sommes dans une position unique où nous pouvons examiner les comportements et les résultats en matière de santé des personnes qui se portent volontaires pour des essais comme BedMed, et les comparer à ceux et celles qui ont été invité-e-s mais ne se sont pas porté-e-s volontaires. Nous savons déjà que les volontaires offrent des résultats différents, mais ce travail peut nous indiquer à quel point cette différence joue lorsqu’il s’agit de dépistage et de mesures préventives », a-t-il déclaré.